• POUR

    Dans TELERAMA, il y avais 2 critiques.
    Je me permets de les recopier ici.

    Dans Changement d'adresse, Emmanuel Mouret en disait long déjà sur les jeux de l'amour et du hasard. Avec un humour bien à lui, mélange raffiné de comique de mots et de situations, il transportait son corps burlesque d'un coeur à un autre. Son dernier film examine encore la folle mécanique du désir, qui s'enclenche­ et s'enraye sans qu'on le veuille ou presque­. Mais cette fois, le cinéaste s'essaie à une narration moins linéaire, ludique construc­tion de récits enchâssés, où une histoire devient soudain le prologue d'une autre.

    Loin de chez elle, une femme (Julie Gayet) rencontre un homme (Michaël Cohen) qui lui demande un baiser. Avant de savoir s'il pourra ou non le cueillir, il doit d'abord écouter son récit. Celui d'une jeune bourgeoise mariée (Virginie Ledoyen, tout en rangées de perles et chemisiers en soie), dont le confident (Emmanuel Mouret) est devenu l'amant. Et tout ça à cause d'un innocent baiser, réclamé comme un service...

    Ici, le marivaudage est d'autant plus drôle qu'il se pare des atours d'une solennité délicieusement désuète. Raisonneurs, les personnages envisagent le « problème » amoureux comme une équation à résoudre. Pour le prof de maths que joue le réalisateur, un autre baiser devrait suffire, en toute logique, à rompre le charme du premier, sublimé par le souvenir. Rigoureuse gymnastique intellectuelle qui aboutit invariablement à de joyeuses parties de jambes en l'air...

    Fidèle à ses influences rohmériennes, le cinéaste soigne une fois encore les dialogues. Au-delà des maladresses du corps, le comique vient ainsi se nicher dans les dérapages plus ou moins contrôlés de la langue : hiatus, euphémismes (« je souffre d'un manque d'affection physique », dit Mouret pour évoquer sa soif de sexe) et autres enfumages rhétoriques (« Idéalement, il y aurait bien une situation envisageable, mais je ne peux l'envisager... »).

    Dans ce conte moral aux airs de vaudeville, la parole est un haut lieu de la séduction, et le désir essentiellement une affaire de mise en scène. Chamboulés par l'irruption de pulsions intempestives dans leur décor bon teint, les personnages passent leur temps à s'inventer des situations rocambolesques. En une secrète jubilation, ils violent les conventions qu'obstinément ils s'imposent, comme ces joueurs qui trichent d'autant mieux qu'ils ont eux-mêmes fixé les règles de leur jeu. Un jeu que les amants voudraient sans conséquence, pour changer la donne sans flouer personne. Ils ne pourront pourtant se soustraire à l'interrogation ultime : le plaisir, le vrai, se trouve-t-il dans le respect des règles ou dans leur transgression ?
                                                                                                                                                                      Mathilde Blottière

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